constance 2

Constance II

337 – 361
Constance II
(Flavius Julius Constantius)

Constance était le deuxième fils de Constantin le Grand et de Fausta.

L’empereur Constantin mourut à Nicomédie le 22 mai 337. Aussitôt, ce fut la foire d’empoigne ! Les trois fils de l’empereur décédé, qui ne s’entendaient guère (c’est un euphémisme) et qui se disputaient les lambeaux de sa succession, ne s’accordèrent que sur une chose : l’exécution en masse du reste de leur parenté. Il s’agissait, en l’occurrence, des derniers représentants de la branche aînée de la dynastie impériale, c’est-à-dire des demi-frères de Constantin. Le sinistre évêque Eusèbe de Nicomédie inventa un hypothétique complot, révélé à Constantin sur son lit de mort, et, sans autre forme de procès, tous ces personnages illustres furent égorgés par des soldats furieux. Seuls deux enfants furent miraculeusement épargnés : le futur empereur Julien l’Apostat et son frère Gallus.

Ce grand nettoyage effectué, Constance II reçut l’Asie et l’Égypte, puis les Balkans, tandis que ses frères Constantin le jeune et Constant se partageaient la partie occidentale de l’Empire romain.

De 338 à 350, Constance défendit les frontières orientales de l’Empire contre les Perses… Des campagnes militaires très difficiles, contre un ennemi particulièrement coriace, et où les armées romaines frôlèrent plus d’une fois la catastrophe.

Au point de vue religieux, Constance soutint le parti arien, autant par conviction théologique que pour causer des problèmes à son frère Constant, devenu entre-temps maître de l’Occident et qui, lui, était favorable à l’orthodoxie.

Rappelons (en simplifiant grossièrement) que les Ariens – qu’il faut se garder de confondre avec les bons Aryens chers à Hitler et à ses émules dégénérés – étaient des disciples d’un prêtre nommé Arius.
À l’inverse des bons catholiques qui, depuis le Concile de Nicée, devaient croire que le Christ était de même « nature » que son Père, cet Arius et les hérétiques ariens pensaient que Jésus n’était pas aussi divin que Dieu le Père… que sa divinité n’était pas de même nature… que le « Père » était plus grand que le « Fils, que Jésus était une créature du Père et qu’il lui était subordonné… bref qu’il se trouvait encore des parcelles de condition humaine dans la « nature » de Jésus.

Constance, arien fanatique, persécuta donc les Chrétiens orthodoxes dans les territoires qu’il contrôlait. L’affaire du siège épiscopal d’Alexandrie se situe dans ce contexte de haine confessionnelle.

Le patriarche Athanase, quoique tout aussi fanatique que l’empereur, était un catholique orthodoxe. Il combattait vigoureusement, et violemment, l’hérésie arienne.
Non content de fomenter des émeutes, de démolir les églises du parti opposé, de torturer ses adversaires religieux, ce saint homme, déjà démis de ses fonctions archiépiscopales par un concile tenu à Tyr, avait cru bon, sous le règne de Constantin le Grand, de faire pression sur l’empereur en retenant au port d’Alexandrie un important chargement de blé destiné à Constantinople, la nouvelle capitale. Le souverain ne put admettre ce chantage. Athanase fut convoqué à la cour impériale et était menacé du plus cruel châtiment quand, miraculeusement, Constantin mourut. Sain et sauf, se vantant même d’avoir été protégé de ses ennemis hérétiques par la main de Dieu, le patriarche put regagner son siège épiscopal alexandrin.

Cependant, la roue de la fortune tournait déjà dans un sens défavorable à notre Athanase. Constance II, le nouvel empereur d’Orient, qui était, nous le savons, favorable à l’arianisme, convoqua un autre concile à Antioche en 341. Cette assemblée confirma la sentence du concile de Tyr et demanda l’appui de la force publique pour contraindre Athanase à quitter son évêché d’Alexandrie.

Athanase s’enfuit donc d’Égypte et alla pleurer dans la soutane du pape Jules. Signe des temps, il prit des cours intensifs de latin (qu’il ne parlait pas jusqu’alors) pour mieux plaider sa cause.

Ému des pleurs du patriarche alexandrin, le pape Jules supplia l’empereur Constant, frère et ennemi intime de Constance, de réunir une assemblée générale de l’Église. Cet autre concile se réunit à Sardique (Bulgarie actuelle) en 341. Cependant, l’Église chrétienne était aussi divisée que l’Empire ! Les prélats ne purent arriver à un consensus. Les évêques orientaux, qui siégeaient séparément, confirmèrent les décisions antérieures, tandis que les occidentaux désignaient le pape comme arbitre. Celui-ci, pour complaire à l’empereur Constant, plus que jamais désireux de foutre la pagaille chez son frère mal-aimé (qui, d’ailleurs, lui rendait fièrement la monnaie de sa pièce) réunit une assemblée d’évêques italiens à sa botte qui donnèrent raison à Athanase. Celui-ci put réintégrer son évêché, au nez et à la barbe de Constance.

La mort de Constant (350), assassiné par l’usurpateur Magnence, changea encore une fois la situation de l’évêque d’Alexandrie. Constance II, après avoir vengé son frère mal-aimé, devint le seul maître de l’Empire. Agacé au plus haut point par les décrets en faveur d’Athanase, il réunit coup sur coup deux conciles, l’un en Arles, l’autre à Milan qui, tous deux condamnèrent Athanase.

Fort de ces décisions, Constance fit (une fois de plus !) chasser l’évêque de son siège épiscopal et tenta de rallier le pape Libère à son point de vue.
Ce fut l’eunuque Eusebios qui fut chargé de cette mission diplomatique. Elle échoua, le pontife étant plus têtu que sa mule !

constant

La persuasion n’ayant eu aucun succès, l’empereur, fils de « saint Constantin », ordonna alors l’arrestation du pape. Nuitamment, celui-ci fut conduit de Rome à Milan pour se justifier devant Constance. L’entretien fut houleux au plus haut point : le pape alla même jusqu’à traiter l’empereur de tyran, d’assassin de sa famille, de Nabuchodonosor (ce qu’en vérité, il était !).

Constance prit très mal ces injures. Libère fut enchaîné et conduit en exil à Bérée, au fin fond de la Thrace. Ce n’est qu’au bout d’un exil de trois ans (de 356 jusqu’au deuxième semestre de 358) que le pape, épuisé, capitula sur toute la ligne, qualifiant la foi orthodoxe (à laquelle il avait adhéré jusque-là) de « perfidie ».
En échange de sa soumission, le pape Libère retrouva son siège épiscopal, tout en étant néanmoins contraint de le partager avec l’antipape Félix.

Entre-temps, Constance avait promulgué un édit contre les catholiques orthodoxes qui condamnait à mort tous ceux qui refusaient de communier des mains d’un prêtre arien.
Ce fut la pagaille ! On ouvrait la bouche des communiants avec des pinces chauffées au rouge pour y introduire l’hostie, on brûlait les seins des jeunes filles pour qu’elles ouvrent la bouche ou on les étouffait entre deux planches cloutées… Bref toutes sortes d’amusements corsés, dignes des prétendus « persécuteurs païens » de l’époque héroïque du christianisme !

Pendant que l’Empire, au bord de la guerre civile et religieuse, menaçait de sombrer dans l’anarchie, Constance fut contraint de reprendre la lutte contre les Perses. Alors, pour défendre l’Occident, lui aussi menacé par des tribus germaniques, il éleva Julien, son cousin, à la dignité de César (empereur associé) pour les Gaules (6 novembre 355). Contre toute attente et surtout contre toutes espérances secrètes d’un Constance fort peu désireux de voir le jeune homme briller à l’avant-scène, Julien se débrouilla fort bien en Gaule. Alors qu’il était presque dépourvu de moyens militaires et d’autorité politique, il parvint à repousser les Germains au-delà du Rhin et à sécuriser les campagnes gauloises.

De son côté, Constance, assez piètre chef de guerre dès qu’il s’agissait de lutter contre des ennemis d’un autre acabit que de vils usurpateurs, pataugeait lamentablement dans sa guerre contre les Perses, s’épuisant à assiéger, inutilement, lles forteresses ennemies les plus imprenables.
Pour renforcer ses effectifs, et comme, aux dires de Julien lui-même, la Gaule était pacifiée, il ordonna à son César de lui envoyer ses meilleurs contingents. Malencontreuse idée ! les soldats gaulois refusèrent de quitter leur pays pour servir sous l’incompétent Constance et acclamèrent Julien comme empereur (Lutèce, février 360).

Malgré les tentatives de conciliation de Julien, l’empereur refusa de s’entendre avec son cousin révolté. On se dirigeait vers la guerre civile quand la mort frappa subitement Constance. (3 novembre 361)

julien

Personnellement, cette mort inopinée m’a toujours paru suspecte.

Bien sûr, Julien, héritier quoique adversaire de Constance en était le principal bénéficiaire, mais, au moment du décès, il se trouvait à des centaines de kilomètres. D’autre part, il ne disposait presque d’aucun appui, d’aucun ami à la cour impériale ; c’était d’ailleurs la cause première de l’incompréhension entre l’oncle et le neveu ! Et enfin, bizarrement, personne parmi les ennemis de Julien (et Dieu sait combien il fut abreuvé d’injures au cours des siècles) ne l’a jamais accusé de ce crime !

Cela me semble curieux, comme si l’on essayait de cacher quelque chose.

Cherchez à qui profite le crime dit l’adage… En l’occurrence, si la mort de Constance n’est pas naturelle, elle ne pouvait que profiter aux Chrétiens catholiques qui, en éliminant le persécuteur Constance, espéraient sans doute, grâce à la tolérance connue d’un type comme Julien, regagner leur position prédominante compromise par la crise arienne. Même si on suspectait le nouvel empereur de sympathies pour les idolâtres…