Constantin Ier le Grand

Constantin Ier le Grand

306 – 337
Constantin Ier « le Grand« 

(Caius Flavius Valerius Aurelius Constantinus)

Fils de Constance Chlore et de sa concubine Hélène, il servit sous Dioclétien et, à la mort de son père, fut proclamé Auguste par l’armée de Bretagne à York. Mais Galère ne lui accorda que le titre de César, subordonné à Sévère.

L’année suivante, Constantin se fit reconnaître auguste par Maximien, dont il épousa la fille Fausta. En 310, Maxence, fils de Maximien, s’étant fait proclamé empereur à Rome, l’Empire comptait donc sept empereur.

Brouillé avec Maximien, Constantin le captura à Marseille et le contraignit au suicide en 311. Ensuite Constantin s’allia avec Licinius, l’un des Augustes d’Orient, à qui il donna sa sœur Constantia.

En 312, Constantin, qui gouvernait la Gaule et la Grande-Bretagne et qui favorisait les Chrétiens, attaqua Maxence qui, lui, régnait sur l’Italie et l’Afrique. Les armées de Constantin fondirent sur Rome, écrasèrent celles de son concurrent d’abord à Turin, puis au Pont Milvius, dans les faubourgs de Rome, où leur chef trouva la mort, noyé dans le Tibre par où il tentait de s’enfuir avec ses troupes débandées.

Une légende veut qu’avant cette bataille décisive, Constantin ait bénéficié d’une vision du monogramme du Christ, flamboyant dans les nues, accompagné des mots In hoc signo vinces (= « Par ce signe, tu vaincras »).

Cette histoire, qui suppose une conversion précoce de Constantin, est hautement douteuse. Même l’historien de l’Église Eusèbe de Césarée émet certaines réserves quant à la réalité de cette marque évidente de la protection céleste, alors que pourtant, ce même Eusèbe, dans la préface de son œuvre, avoue ingénument qu’il rapporte tout ce qui est favorable aux Chrétiens et omet tout ce qui leur ferait tort. Comment aurait-il pu omettre ce coup de pub divin ?
Ce que l’historien ecclésiastique nous raconte, c’est qu’il tient cette anecdote de la bouche même de Constantin, qu’il ne se permettait pas de mettre la bonne foi de l’Empereur en cause, mais que s’il avait eu en face de lui un autre interlocuteur dépourvu du prestige de son impérial interlocuteur, il aurait exigé des témoignages complémentaires avant de gober pareille faribole. (Sur la « vision de Constantin », voyez également ici : Clic !)

Après avoir vaincu Maxence, Constantin, dans le dessein de conquérir l’Orient, s’allia à Licinius (Milan mars 313) qui allait entrer en conflit avec Maximin Daïa, empereur de la partie orientale de l’Empire.

Maximin poursuivait la politique de répression envers les Chrétiens, inaugurée par l’empereur Galère. Comme les Chrétiens étaient nombreux dans les territoires qu’ils voulaient envahir, Constantin et Licinius, en s’alliant, firent de nombreuses promesses à ce puissant groupe d’activistes : ils accordèrent aux Chrétiens la liberté de célébrer leur culte, à l’instar des autres citoyens. On leur rendit également leurs églises et leurs terres.

Aucun « édit » à proprement parler ne fut signé à Milan en 313. Il ne s’agissait que d’une déclaration de principe faite par deux gouvernants païens (Constantin n’était encore ni baptisé ni converti) et destinée à affaiblir un adversaire en constituant à l’intérieur de ses frontières un puissant de noyau de résistance armé.

Il ne faut donc considérer ce qu’on a malgré tout coutume de nommer l' »Édit de Milan » ni comme le signe tangible de la conversion de Constantin au christianisme, ni comme l’expression tangible d’un « Triomphe de la Croix », ni comme preuve de la vérité de la Foi victorieuse des ténèbres du paganisme. Il ne s’agissait en fait que d’une arme de propagande, destinée à se procurer des intelligences en territoire ennemi ; à consolider la « cinquième colonne » chrétienne opérant dans les provinces contrôlées par le persécuteur Maximin Daïa.

Cette fine tactique montra rapidement son efficacité. Dès avril 313, Licinius écrasa les forces de Maximin Daïa, puis le massacra, lui et toute sa petite famille.

En 317, Constantin, circonvenu par les défenseurs de l’orthodoxie, promulgua un édit de persécution contre les donatistes. Les donatistes étaient des hérétiques chrétiens qui s’opposaient à la réintégration des fidèles qui, pendant la persécution de Dioclétien, avaient faibli, apostasié ou livré les Saintes Écritures aux païens.

Il faut dire que la situation politique et militaire exigeait l’indulgence envers ces « lapsi » : l’ami d’hier était devenu l’ennemi d’aujourd’hui et Constantin menait à présent une guerre inexpiable contre son beau-frère et ancien allié Licinius qui gouvernait l’Orient depuis la défaite de Maximin Daïa. Or, dans cette partie de l’Empire, où les Chrétiens étaient très nombreux, le rival de Constantin, oublieux de sa promesse de 313 (le fameux « Édit de Milan »), avait repris la politique persécutrice de Galère et de Maximin Daïa.
Lors d’une persécution, il se trouvait toujours plus de faibles lapsi que de candidats au martyre. Dès lors, quand Constantin favorisait la réinsertion des faibles, il acquerrait à bon compte la gratitude et la reconnaissance anticipée du plus grand nombre de sujets chrétiens de son mortel ennemi. « De toute façon, pensait le pragmatique Constantin, la sympathie agissante des Chrétiens intégristes de chez Licinius m’est acquise. Ces fanatiques qui montent à l’échafaud en chantant des psaumes, n’hésiteront sans doute pas à prendre les armes contre le tyran qui les opprime, quitte à soutenir un empereur, certes trop compréhensif envers les faibles, mais qui, néanmoins, soutient leur parti. Et tant mieux si, après avoir mené la vie dure à Licinius, ces trublions, ces agitateurs, se font trucider en masse ! après cette bonne saignée d’énergumènes, l’Empire n’en sera que plus facile à gouverner ! »

Le plan de Constantin réussit à merveille. Vaincu près d’Andrinople, puis à Crysopolis, Licinius périt étranglé sur l’ordre de l’empereur crypto-chrétien. (324).

L’empire romain se trouva alors réunifié sous le sceptre de Constantin.
L’empereur confia à son fils Crispus, puis à Constantin le Jeune, la défense du Rhin face aux Francs et aux Alamans. Lui-même, sur le Danube, combattit les Goths et les Sarmates, puis prit une série de mesures qui allaient radicalement modifier la physionomie du vieil Empire romain.

Avec Constantin, l’Empire prit définitivement la forme d’une monarchie absolue de droit divin. Le rôle du Sénat de Rome fut réduit à celui d’un conseil municipal, concurrencé par celui de Constantinople. Le titre de Consul devint purement honorifique. La cour devint le centre de l’État.
La chancellerie, le consistoire et les grands services disposèrent d’une puissante administration où les représentants du souverain prirent en main tous les rouages de l’État.
La société, toujours plus hiérarchisée, riva davantage les hommes à leur condition et à leurs charges. Les colons furent fixés à la terre (332). Les fonctions de soldat et de responsables municipaux, les ordres sociaux privilégiés devinrent héréditaires.
Évidemment, corollaire fatal de l’étatisation croissante, la fiscalité s’alourdit encore devenant presque insupportable dans nombre de régions.
Constantin créa le sou (solidus), monnaie d’or qui succéda à l’aureus dévalué.
La garde prétorienne fut remplacée par celle des  » domestiques « . C’en était désormais fin de ces « faiseurs de rois » !
L’armée fut réorganisée en armée des frontières et armée d’intervention, placée en réserve, une réforme déjà initiée, en son temps, par l’empereur Gallien.
Et enfin, pour mieux contrôler les frontières avec les Perses et les peuples danubiens, Constantin fonda Constantinople (330), ville destinée à rivaliser avec Rome, capitale de l’Occident, mais non à la supplanter. Ce sera pourtant le point de départ, involontaire, de l’Empire byzantin.

L’œuvre religieuse de Constantin est capitale, puisqu’elle devait aboutir à la constitution d’un Empire chrétien.

En fait, Constantin, comme son père Constance Chlore, suivit d’abord la religion solaire (Sol Invictus). Il se considérait alors comme l’inspiré d’un dieu unique, assez mal défini, et il était resté « pontifex maximus » de la religion officielle impériale. Il ne fut baptisé dans la foi chrétienne que sur son lit de mort (337).

Néanmoins, Constantin reste l’empereur qui a rendu possible le triomphe du christianisme dans l’Empire en accordant des privilèges juridiques et fiscaux aux Chrétiens, en apportant des entraves au paganisme (fermeture des temples, interdiction des sacrifices) et en intervenant dans le conflit qui opposait les Chrétiens orthodoxes et les ariens.

Vers 319, Arius, prêtre d’Alexandrie prêchait une doctrine originale concernant la Trinité : seul le Père était véritablement de nature divine ; Jésus, le Fils n’était que la première de ses créatures. Ces idées furent condamnées une première fois, par un synode tenu à Alexandrie où l’on excommunia le prêtre Arius.
Le patriarche d’Alexandrie communiqua cette sanction au pape Sylvestre. Mais celui-ci adopta une attitude prudente et attentiste (certains diront chèvre-choutiste), se gardant bien de prendre position dans le conflit idéologique

Profitant sans doute du silence de celui qui, qu’on le veuille ou non, était reconnu comme la plus haute autorité de l’Église en matière dogmatique, l’hérésie gagna du terrain, entraînant avec elle son cortège de troubles et de violences.

L’empereur Constantin, en homme sanguinaire mais ordonné qu’il était, ne pouvait en aucun cas tolérer cette atmosphère de guerre civile larvée. Il commença par dépêcher à Alexandrie son homme de confiance ès christianisme, l’évêque espagnol Ozius de Cordoue, porteur d’un rescrit impérial ordonnant la réconciliation des deux partis, vu que leur dispute ne portait pas sur l’essentiel de la foi mais « sur des détails » (sic), sur des billevesées, calembredaines et autres gaudrioles.

Mais, comme depuis trois siècles, les Chrétiens se foutaient éperdument des rescrits d’empereurs hostiles et autoritaires, ce n’était pas maintenant qu’ils avaient affaire à un empereur bienveillant qu’ils allaient faire ses quatre volontés ! La tentative de conciliation d’Ozius échoua et, devant le silence persistant du pape Sylvestre, Constantin fut contraint de convoquer un grand concile. Ce fut le premier concile œcuménique de Nicée. Le pape n’y assista pas. Il se contenta d’y expédier deux observateurs.

L’assemblée, constituée d’une majorité d’évêques orientaux, s’ouvrit en mai 325 sous la présidence d’honneur de Constantin (Ozius de Cordoue étant le président effectif) et aboutit à la fixation de la date de Pâques et à la condamnation d’Arius et de sa doctrine. Le « Credo » de Nicée est encore, grosso modo, celui des catholiques contemporains.

Les conclusions de l’assemblée furent, comme d’habitude, envoyées au pape qui, comme de coutume, se tût. Mieux ! Voulant que nul ne doute de son indépendance d’esprit face aux décisions conciliaires, il fixa pour Pâques une date différente de celle qu’avait imposée le concile. « Vous voyez, semblait-il insinuer aux partisans d’Arius, si je ne suis pas tout à fait d’accord avec Nicée en ce qui concerne la date de Pâques, c’est peut-être que je ne le suis pas non plus en ce qui concerne votre doctrine. »

Bien joué de la part du pape Sylvestre ! Malgré Nicée, le vent tournait en faveur des hérétiques : avant d’ordonner la mort de sa propre épouse, qu’il fit cuire dans son bain, Constantin, par pure jalousie semble-t-il, venait de faire assassiner son fils Crispus. Toute doctrine insistant sur l’égalité des Pères et des Fils, fussent-ils célestes, ne pouvant que l’horripiler, il se rapprocha donc des ariens. Ceux-ci, favorisés par l’empereur, commencèrent à persécuter, avec jubilation, les autres Chrétiens.

Force est de constater que le tableau moral et politique qu’offrait cet Empire romain devenu presque officiellement Chrétien n’était ni réjouissant ni particulièrement moral : d’une part, un empereur infanticide, matricide et hérétique, et d’autre part des sectaires qui s’entretuaient au nom de doctrines plus absconses les unes que les autres, mettant à feu et à sang les régions que les barbares de plus en plus menaçants, n’avaient pas encore ravagées.

Vers 327, Constantin inaugura la première basilique du Vatican, construite sur un cimetière chrétien des Ier et IIe siècles où plusieurs papes avaient été inhumés (mais pas saint Pierre, contrairement la légende qui courait depuis le grand incendie de Rome en 64).

Rappelons aussi que la « Lettre de Constantin au pape Sylvère« , qui contient la trop fameuse « Donation de Constantin« , par laquelle l’empereur reconnaît au pape la primauté spirituelle sur tous les évêques et lui donne l’autorité temporelle sur Rome et sa région, est un faux forgé au VIIIe siècle pour justifier la création, très réelle celle-là, de l’État pontifical par Pépin le Bref.

L’empereur Constantin mourut à Nicomédie le 22 mai 337. Sur son lit de mort, il reçut enfin le baptême des mains de l’évêque Eusèbe de Nicomédie, un hérétique arien.
On peut donc espérer que la grâce du sacrement, donné par un prêtre indigne, ne fut pas suffisante pour blanchir de tous ses crimes l’âme opaque de cet affreux bonhomme que fut ce Constantin, meurtrier de sa femme et de son fils et parjure à tous ses engagements.
Pourtant, l’Église catholique primitive a canonisé ce malfaisant. Les Chrétiens orthodoxes le vénèrent même encore aujourd’hui, à l’instar de l’impératrice Irène de Byzance qui fit crever les yeux de son fils avant de le faire étrangler.

Seule compte la Foi, n’est-ce pas ?