218 - 222
Elagabal
(alias Héliogabale)
(Varius Avitus Bassianus puis
Marcus Aurelius Antoninus)

|
Né vers 204, Élagabal s'appelait en réalité
Varius Avitus Bassianus. Son arrière grand-père maternel
Julius Bassianus (voir tableau
généalogique), qui était aussi le beau-père
de l'empereur Septime
Sévère et prince de la ville syrienne d'Émèse
(aujourd'hui Homs), lui avait légué les fonctions
de grand prêtre du Dieu solaire El Gabal, ou Héliogabale,
vénéré dans sa ville... Ce qui explique le
sobriquet malveillant que donneront plus tard à cet empereur
des historiens latins forts critiques (c'est le moins qu'on puisse
dire) à son égard. Notre Varius Élagabal était
donc à la fois prince syrien, citoyen romain, prêtre
du Soleil et petit cousin de Caracalla.
Après le meurtre de cet empereur (8 avril 217), toutes les
femmes de la branche syrienne de la famille impériale, chassées
de Rome, se replièrent dans leur fief d'Émèse.
Il y avait là Julia Moesa, grand-mère d'Élagabal,
Julia Soaemia, sa mère et Julia Mammaea, sa tante et mère
du futur empereur Alexandre Sévère. Et toutes de comploter
à qui mieux mieux contre Macrin,
l'assassin présumé et successeur de leur bon parent
Caracalla.
Or, les hasards de la génétique avaient voulu que
les traits du petit Varius Élagabal ne fussent pas sans rappeler
ceux de son impérial cousin assassiné. Une telle coïncidence
ne pouvait être qu'un signe du destin dont il fallait impérativement
tirer parti ! Ces dames d'Émèsemère d'Élagabal
comprise, firent donc courir la rumeur qu'en fait, le petit Varius
était bien le fils légitime de Caracalla.
|
C'était un très gros mensonge... Mais comme ni Caracalla,
ni le vrai père d'Élagabal, un patricien romain nommé
Sextus Varius Avitus, mort quelques années après la naissance
de son fils, n'étaient plus en mesure de rétablir la vérité,
les anciens soldats de l'empereur assassiné mordirent à
l'hameçon, comme un seul poisson ! "Si la mère d'Élagabal
elle-même confessait son adultère et la bâtardise de
son rejeton, c'est qu'il devait y avoir anguille sous roche", pensèrent-ils.
Et puis surtout, les légionnaires avaient tellement envie d'accréditer
cette fable
L'empereur Macrin
commençait sérieusement à leur pomper l'air, lui
qui vivait dans le luxe, le calme, la volupté et la débauche
à Antioche tandis qu'eux croupissaient sous de pauvres tentes,
parqués comme des bêtes de somme aux confins du désert
syrien ! Et comble du comble, ce civil, qui ne connaissait guère
l'armée que par ouï-dire, avait le culot d'exiger une discipline
de fer
des contraintes inhumaines auxquelles il aurait bien été
incapable de se plier lui-même !
La fiction de la naissance illustre du petit Varius Élagabal était
donc la bienvenue ; elle permettrait à l'armée de se débarrasser
du tyran en sauvegardant les apparences de la légalité.
Et les soldats, en masse, d'abandonner les infâmes campements où
les cantonnait Macrin pour venir, sous les murs d'Émèse,
voir, entendre, applaudir et complimenter ce petit Élagabal, qui
ressemblait tant à leur cher imperator Caracalla
Macrin
tenta bien de réagir, mais les quelques maigres troupes qu'il parvint
péniblement à rassembler pour affronter son jeune rival
désertèrent sur le champ de bataille.
L'assassin de Caracalla, abandonné de tous, s'enfuit et fut exécuté
peu après, ainsi que son fils Diaduménien, qu'il avait déjà
présomptueusement désigné pour lui succéder.
Au mois de juin 218, le jeune Varius, qui avait repris le nom de Marc
Aurèle (Marcus Aurelius Antoninus) déjà abusivement
porté son père supposé Caracalla,
se retrouvait le seul maître de tout l'Empire romain. Il avait quatorze
ans.
Bien sûr, l'historien grec Hérodien (V, 6 : 1)indique bien
qu'au début de son règne, Élagabal "envoya à
la mort un très grand nombre de personnages célèbres
et riches, accusés auprès de lui d'avoir désapprouvé
et raillé son comportement". Mais il y a tout lieu de croire
qu'il ne s'agissait là que de la très classique "épuration
politique" qui marquait toujours la réussite du coup d'état
d'un prétendant à l'Empire romain. Car, si l'on examine
soigneusement les récits, souvent ébouriffants, rapportés
par les historiens antiques, on en arrivera à la conclusion qu'Élagabal
fut, en réalité, plus dispendieux que cruel et plus extravagant
que vraiment méchant.
Ses biographes, partiaux, ont en effet fortement exagéré
les vices de celui qui n'était, finalement, qu'un "sale gamin",
ivre de son pouvoir soi-disant absolu.
Citons, en guise d'exemple, deux "bonnes" plaisanteries (parmi d'autres)
de ce garnement d'Élagabal : "Il aimait jouer des tours à
ses esclaves, comme de leur ordonner, contre une récompense, de
lui apporter mille livres de toiles d'araignées ; et il paraît
qu'il en réunit dix mille livres, ce qui lui fit dire que c'était
un moyen de se rendre compte de la grandeur de Rome". (Hist. Aug.,
Élagabal, XXVI, 6).
Ou encore : "Il proposait à ses invités une sorte de
sujet de concours consistant à trouver de nouvelles recettes pour
relever le goût des mets et celui dont il appréciait le plus
la trouvaille se voyait offrir une récompense magnifique (
).
En revanche, si l'un d'entre eux avait inventé un condiment qui
lui déplaisait, il l'obligeait à continuer d'en manger jusqu'à
ce qu'il en ait trouvé un meilleur".
Il n'y a pas là de quoi fouetter un chat, mais ses biographes
antiques ont monté en épingle ce genre d'anecdote pour faire
de ce gamin un tyran sanguinaire, alors qu'en fait, ce soi-disant despote
sanguinaire tremblait comme une feuille devant l'armée, si menaçante,
et devant sa propre famille, véritable nid de vipères intrigantes.
Ces écrivains antiques, en racontant la vie Élagabal, se
montrèrent en l'occurrence plus moralistes qu'historiens. Par des
descriptions violemment contrastées, ils opposèrent un empereur
qu'ils voulaient totalement pervers à son cousin et successeur,
Alexandre Sévère, qu'ils présentaient (avec tout
autant d'exagération) comme le parangon de toutes les vertus.

|
Dans la réalité des faits, Élagabal,
fastueuse marionnette, laissa les rênes du gouvernement à
sa grand-mère, Julia Moesa et à sa mère,
Julia Soaemias.
Ce furent cette emprise féminine, la superstition de l'empereur,
ses caprices enfantins, ses dépenses inconsidérées,
ses mariages homosexuels, et non son tempérament cruel ou
sanguinaire, qui horripilèrent les "vieux Romains" et précipitèrent
sa chute.
Cependant, après cinq années de règne, Élagabal
bénéficiait toujours du soutien de l'armée.
Il le perdit par maladresse.
La grand-mère d'Élagabal, Julia Moesa, pressentant
que les vices de son petit-fils finiraient par le perdre, lui et
sa famille, le convainquit d'adopter son cousin, Sévère
Alexandre (voir tableau
généalogique) et de l'associer au pouvoir au titre
de "César". Ce jeune homme était la parfaite antithèse
d'Élagabal : sévère, Alexandre l'était
plutôt deux fois qu'une ! Avisé, vertueux, patient
et sage, il parvint à se rendre populaire auprès de
la seule force qui comptât réellement dans l'Empire
: l'armée.
Aussi, quand les soldats apprirent qu'Élagabal cherchait
à se débarrasser de son cousin et associé,
ils commencèrent à murmurer contre leur bougre d'empereur.
C'était sans doute une rumeur non fondée car, à
ce moment, il semble bien qu'Élagabal avait accepté
de bon cur le partage du pouvoir que lui avait proposé
sa grand-mère et qui prévoyait qu'il se consacrerait
uniquement à ses activités religieuses tandis que
son cousin assumerait les contraintes politiques et militaires du
pouvoir.
|
 |
Mais quoi qu'il en soit, Élagabal, à
ce moment, commit la plus incroyable des boulettes.
Confronté à une armée de plus en plus hostile,
au lieu de calmer le jeu, il fit courir le bruit de la mort d'Alexandre,
sans doute pour mieux évaluer la popularité de son
cousin. Ce fut l'émeute : peuple, Sénat et surtout
l'armée se massèrent devant le palais pour demander
des comptes à l'empereur (impératrice - prêtre(sse).
Heureusement, pour sauver sa tête, l'empereur put exhiber
au balcon un Alexandre bien vivant. La foule se calma un peu et
commença même à se disperser. Mais le rancunier
Élagabal, dans un ultime caprice enfantin, voulut faire arrêter
les meneurs de la manifestation et les condamner pour crime de lèse-majesté.
Alors, la foule furibarde envahit le palais, et ce fut le carnage
Les favoris et les mignons de l'empereur furent d'abord littéralement
dépecés, émasculés, empalés ("afin
que leur mort fût en conformité avec leur vie",
dit le chroniqueur). Ce fut ensuite le tour de l'empereur qui fut
massacré dans les latrines du palais. Son corps fut traîné
à travers les rues de Rome, puis la populace tenta de jeter
le cadavre aux égouts, mais, comme les conduits étaient
trop étroits, l'impérial cadavre fut finalement balancé
dans le Tibre (11 mars 222).
|
Les historiens, anciens modernes, considèrent qu'Élagabal
fut, à l'instar de Néron,
Domitien
et Commode,
un empereur dément, un "César fou". Il se trouve pourtant
un aspect de son règne moins incohérent que les autres :
il s'agit de sa politique religieuse.
Le jeune empereur se considérait, avant tout, comme le grand-prêtre
de son dieu solaire El Gabal. À ce titre, il aurait voulu que le
soleil d'Émèse domine, et à terme supplante, toutes
les autres divinités.
Ce n'était pas si mal pensé que cela : cinquante ans après
Élagabal, l'empereur Aurélien, qui était tout sauf
un illuminé, visera à peu près au même objectif.
À un moment où il était nécessaire de restaurer
l'unité de l'empire, un culte unique, quel qu'il soit, garantissait
au moins l'unité idéologique. En outre, quand l'empereur
était aussi pontifex maximus d'une divinité suprême,
sa personne devenait inviolable et toute atteinte à son autorité
était un sacrilège !Une conception "césaro-papiste"
de la monarchie qui sera celle des empereurs païens, puis chrétiens,
du Bas-Empire.
Dès lors, quoiqu'on puisse ironiser sur le ridicule mariage qu'Élagabal
célébra entre deux cailloux, l'un représentant son
dieu solaire d'Émèse et l'autre la divinité lunaire,
acheminée à grands frais de Carthage, en matière
de politique religieuse, le jeune empereur eut donc le grand tort d'avoir
raison trop tôt.
Malgré son souci de promouvoir le culte solaire, l'empereur Élagabal
laissa les Chrétiens en paix.
Le rédacteur, anonyme et tardif (Ve siècle), de l'Histoire
Auguste prétend bien qu'il aurait eu l'intention de transférer
dans son temple du Soleil de Rome "les religions des Juifs, des samaritains
et les rites chrétiens, afin que le clergé d'Héliogabale
détienne les mystères de tous les cultes".
Cette affirmation relève sans doute uniquement de l'imagination
débridée de l'auteur l'Histoire Auguste. Cependant, il n'en
est pas moins fort vraisemblable qu'Élagabal avait entendu parler
de la religion chrétienne : les Chrétiens étaient
nombreux en Syrie et Anicet, pape de 155 à 166, était, comme
lui, originaire d'Émèse.
Nous noterons aussi qu'après l'assassinat d'Élagabal, la
populace, qui venait de dépecer son empereur se livra un violent
pogrom anti-chrétien où le pape Calixte perdit la vie :
écharpé par la foule, on lui attacha une pierre au cou et,
en visant bien, on le jeta d'une haute fenêtre dans un puits profond.
Ce massacre tendrait à prouver que les Chrétiens de Rome
étaient, pour le moins, considérés comme des amis
et des alliés de l'empereur-grand-prêtre Élagabal.
Elagabal sur
la Toile :
- L'Héliogabale d'Antonin Artaud est-il conforme
à la vérité historique ? : Clic
!
- Héliogabale et Artaud : deux Antonins pour le prix
d'un ? : Clic
!
- Que sait-on du lieu de naissance d'Élagabal ? : Clic
!
- Hiérocles : le rude mari de l'empereur Elagabal : Clic
!
- Le Chronicon Paschale et les émeutes de 223
(ou de 222) : Clic
!
- Les épouses d'Élagabal : Clic
!
- Annia Faustina : une petite-fille de Marc Aurèle
dans le lit surpeuplé d'Elagabal : Clic
!
- était-elle liée aux Antonins ? : Clic !
- A la recherche d'un empereur croquemitaine : Clic
!
- Site mediterranee-antique.info
: Les Césars du IIIe siècle, du Comte de
CHAMPAGNY : Clic !
- Tableau généalogique de la dynastie des Sévères
: Clic !
- Qui sont les "Césars fous" : Clic
!
RECHERCHE
DANS LE SITE
"EMPEREURS ROMAINS"
|
|
En vrac, encore d'autres
pages internet :

|

|